LI QUINZHAO , ( LA PLUS GRANDE ? ) POETESSE CHINOISE
L'ivresse des banquets est libératrice de l'inspiration poétique . Même les femmes pouvaient se laisser aller ( discrètement ) à cette douce torpeur féconde en poésie si elle est bien guidée par une bonne éducation et un haute instruction :
Après le vin nocturne
La main est lente à ôter les peignes
Quelques fleurs de prunus éparses dans les cheveux
Ivresse passée , sommeil brisé
Le rêve lointain ne s'accomplira pas
Silencieuse et seule
Seule s'approche la lune
Le long rideau tombe au sol
Des pétales de prunus dans la main
Entre les doigts
Encore un peu de caresse
Encore un peu de parfum
Encore un instant gagné .
Voici l'évocation du retour à ses appartements d'une poétesse , femme de lettres donc , après un banquet ( probablement en plein air , pour profiter de l'éclosion des fleurs du printemps ;l es fleurs tombées des branches parsèment sa chevelure ) , banquet où elle aura sûrement brillé par son à-propos .
Les symptômes physiques de l'ivresse sont nettement présents : la main effectue des mouvements incertains que doit combattre la concentration de la dame ( la lenteur à ôter ses parures de cheveux ) afin de ne pas arracher brutalement ses peignes . Il s'agit bien ici d'une ivresse et non d'un état d'ivrognerie . L'ébriété est humanisée , rendue presque noble par la maîtrise de soi que donne l'éducation . Quinzhao perdrait en effet la face si elle agissait de façon désordonnée comme Coupeau , le célèbre pochtron de l'Assommoire de Zola .
L'ivresse prive la poétesse du sommeil qui ouvre la porte des rêves et de l'inspiration ( "sommeil brisé ") . Règne alors le silence et la solitude qui favorise le recueillement , la lune semble être apaiser le trouble de la conscience et luire comme un phare . "Le rideau tombe " ... peut-être la dame l'a-telle dans la maladresse qu'inflige l'ivresse , écartée afin de mieux contempler la souveraine de la nuit et des songes . La méditation face à la beauté pure de l'astre , incomparablement mis en valeur par l'obscurité qui ne laisse exister à la vue que le cercle d'argent , sans aucun bruit blessant la vision respectueuse , avec seulement la douce caresse des pétales ... ressuscite encore une fois les plaisirs les plus raffinés du banquet achevé : non ceux du corps et des sens apaisés mais ceux de l'esprit .
Poème philosophique et sensuel bien digne d'une si grande poétesse .